Bralima Bukavu : entre mémoire industrielle, prouesse commerciale et transition historique
La brasserie Bralima occupe une place singulière dans l’imaginaire économique du Congo. Fondée en 1950 à Bukavu, elle n’est pas qu’une usine : elle est un pan de notre histoire, un témoin de l’industrialisation congolaise, un symbole de fierté collective et l’un des piliers socio-économiques de l’Est du pays.
Son exploit d’août 2024, avec un record de 100 243 hectolitres de Primus vendus en un seul mois, relève presque du mythe. Une performance qui, dans le langage populaire, fait dire que la brasserie « a rempli un lac ». Ce succès n’est pas anodin : il témoigne d’un marché local dynamique, d’une fidélité historique à la marque et d’une expertise industrielle mûrie depuis près d’un siècle.
Car l’histoire de la Primus ne commence pas à Bukavu, mais en 1926 à Kinshasa, où la toute première bouteille est soutirée. De là, l’expansion : Kisangani, Boma, Mbandaka, Gisenyi, Brazzaville, Bujumbura… Bralima n’a pas seulement grossi ; elle a accompagné la modernisation de villes entières.
Un tournant brutal en 2025
Mais l’année 2025 marque un séisme : Heineken, maison-mère, perd le contrôle opérationnel de son site de Bukavu en juin. Les tensions sécuritaires, les perturbations logistiques et les risques d’exploitation abusive conduisent à une décision inattendue : céder la brasserie pour 1 euro à Synergy Ventures Holdings Ltd.
Un prix symbolique, presque choquant, mais justifié par un objectif assumé :
- sauvegarder les emplois,
- éviter l’abandon d’un site sensible,
- protéger l’économie locale d’un effondrement industriel.
Heineken aura au moins eu le mérite de maintenir la paie intégrale des travailleurs, malgré la suspension des activités depuis février 2025. Un geste rare dans un contexte où tant d’entreprises désertent sans scrupules.
Une transition cruciale pour Bukavu
La reprise par Synergy Ventures, attendue avant fin 2025, ouvre un nouveau chapitre plein d’incertitudes. Le défi est immense : assurer la sécurité, relancer la production, maintenir les standards, honorer les obligations fiscales. La population attendra des actes concrets, loin des promesses théoriques.
Heineken conserve une option de rachat dans trois ans. Une manière de garder un pied dans l’avenir, au cas où la situation se stabiliserait.
Entre inquiétude et espoir
Bralima Bukavu n’est pas une entreprise comme les autres : elle irrigue des milliers de familles, soutient des micro-économies, participe aux budgets des provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et du Maniema.
Son avenir nous concerne tous.
À l’heure où Bukavu traverse des turbulences, veillons à ce que ce patrimoine ne s’effondre pas. Les acteurs publics, privés et communautaires devront jouer leur rôle. L’économie locale n’a pas besoin d’un monument de plus laissé à l’abandon.
À suivre, avec vigilance et espérance.
