Les ONG et la gouvernance locale
Partenaires ou concurrents ?
À Goma comme dans de nombreuses régions du Kivu, les ONG jouent un rôle central dans la fourniture de services sociaux essentiels. Dans un contexte où les capacités de l’État restent limitées, elles apparaissent souvent comme les principaux acteurs du développement local. Mais cette présence massive pose une question cruciale : les ONG sont-elles de véritables partenaires des autorités locales, ou finissent-elles parfois par en devenir des concurrents involontaires ?
Une complémentarité évidente… mais fragile
Dans de nombreux cas, les ONG comblent des vides laissés par l’administration publique : centres de santé réhabilités, écoles construites, routes ouvertes, campagnes de vaccination organisées… Les autorités locales reconnaissent souvent cette contribution.
"Sans les ONG, beaucoup de nos communautés resteraient totalement oubliées," admet un chef de quartier de la commune de Karisimbi.
Cependant, cette complémentarité repose sur une coordination efficace, souvent mise à l’épreuve. L’absence d’un cadre clair de collaboration peut entraîner des doublons, des priorités mal alignées, voire des rivalités d’influence.
Le risque de substitution de l’État
Lorsqu’une ONG construit et gère une école, finance les enseignants et assure les fournitures, elle assure de fait une mission régalienne de l’État. Cette situation peut fragiliser la légitimité des institutions publiques et réduire l’engagement citoyen vis-à-vis des autorités élues.
"Les populations s’adressent à l’ONG, pas au bourgmestre. Cela crée un déséquilibre institutionnel," observe un analyste de la société civile.
Ce phénomène, appelé effet de substitution, est d’autant plus problématique qu’il n’est pas toujours durable : si l’ONG se retire, les infrastructures ou services peuvent s’effondrer, faute de reprise par les autorités.
Des dynamiques de tension… mais aussi des solutions
Dans certains cas, la répartition des rôles entre ONG et autorités locales devient source de tensions. Manque de transparence, compétition pour les financements, divergence de priorités : les frictions existent.
Mais les exemples de synergies réussies sont de plus en plus nombreux : élaboration conjointe de plans communaux de développement, implication des élus dans le suivi des projets, codéveloppement d’initiatives de redevabilité citoyenne.
"Le dialogue régulier et les mécanismes de concertation comme les comités locaux de développement sont la clé," souligne une représentante d’ONG basée à Goma.
Conclusion : vers une gouvernance partagée
Ni concurrentes ni simples supplétives de l’État, les ONG doivent être considérées comme des actrices à part entière du développement local, dans un cadre de gouvernance partagée. Cela suppose un effort réciproque : transparence, coordination, reconnaissance mutuelle des rôles.
À l’heure où les défis socio-économiques de Goma nécessitent une réponse collective, ONG et autorités locales sont appelées à dépasser les logiques de cloisonnement pour construire ensemble des solutions durables.