Les Secteurs Clés du Commerce Transfrontalier à Goma


1. Agriculture : un potentiel sous-exploité aux frontières

Les produits agricoles vivriers et maraîchers sont au cœur des échanges entre Goma et ses voisins. Le Rwanda et l’Ouganda fournissent fruits, céréales, et légumes à Goma, tandis que le Nord-Kivu exporte du maïs, des haricots, ou encore du café. Toutefois, le manque d’organisation des filières, les pertes post-récoltes, et l’absence de certification sanitaire harmonisée limitent le développement de ce commerce. La coopération régionale en matière de normes phytosanitaires est essentielle pour en libérer le plein potentiel.

2. Produits manufacturés : entre dépendance extérieure et émergence locale

Les produits manufacturés en provenance du Rwanda ou de l’Asie via l’Ouganda (textiles, matériaux de construction, biens de consommation) alimentent les marchés de Goma. En retour, quelques industries locales naissantes tentent de pénétrer les marchés voisins, mais se heurtent à des coûts élevés de production et de logistique. Favoriser un tissu industriel local compétitif pourrait rééquilibrer les échanges et stimuler les chaînes de valeur régionales.

3. Minéraux : une richesse stratégique mais controversée

Le commerce des ressources naturelles (coltan, cassitérite, or) joue un rôle central dans l’économie régionale. Toutefois, ce secteur reste soumis à de nombreuses contraintes : traçabilité floue, conflits armés dans les zones d’extraction, et accusations de contrebande. Des initiatives comme la certification ITSCI ou les efforts de la CIRGL visent à encadrer et sécuriser ces échanges, mais les résultats restent inégaux.

4. Services : un marché transfrontalier en expansion

Les services télécommunications, transport, santé, et finance connaissent un essor dans les échanges transfrontaliers. De nombreux Congolais accèdent à des soins ou à des services bancaires au Rwanda, tandis que des opérateurs de téléphonie ou de transfert d’argent offrent des solutions transnationales. La mobilité des services demeure entravée par les différences réglementaires, mais le numérique ouvre de nouvelles perspectives d’intégration.


Les Obstacles Douaniers et Réglementaires au Commerce Transfrontalier

Malgré les promesses du commerce régional, les échanges restent fortement entravés par des barrières non tarifaires. À la frontière Grande Barrière ou Petite Barrière, les commerçants font face à :

  • des procédures douanières complexes et parfois opaques ;
  • des taxes variables selon les agents ou les jours ;
  • l’absence d’un système douanier harmonisé entre la RDC et ses voisins ;
  • le manque de guichets uniques efficaces.

Les efforts de la Direction générale des douanes et accises (DGDA) ou les appuis d'organisations régionales comme la CEEAC visent à améliorer la transparence, mais leur application reste limitée sur le terrain. Une réforme coordonnée des formalités, avec une digitalisation accrue, apparaît urgente.


Sécurité et Infrastructures : Deux Défis Majeurs du Commerce Transfrontalier

La persistance de l’insécurité dans les zones frontalières ou sur les axes routiers (RN2, RN4) constitue un frein majeur au commerce. Les risques d’attaques, de vols ou de tracasseries militaires découragent de nombreux commerçants. En parallèle, l’état dégradé des routes, le manque d’aires de stationnement sûres, et l’encombrement des postes frontaliers compliquent la fluidité des échanges.

Certaines initiatives régionales, comme le Corridor Nord, ou les projets de modernisation des infrastructures douanières (ex. postes intégrés) offrent des solutions, mais nécessitent des investissements et une coopération interétatique renforcée.


Les Pratiques Informelles et Leur Impact sur le Commerce Transfrontalier

L’économie informelle représente plus de 60% des échanges à la frontière entre Goma et Gisenyi. Petits commerçants, transporteurs à pied ou à vélo, femmes vendeuses transfrontalières : ces acteurs jouent un rôle clé dans l’approvisionnement local. Cependant, leur activité se heurte à un vide juridique, à des perceptions fiscales abusives, et à l’insécurité.

Des programmes comme le Marché Intégré Transfrontalier (MIT) ou les efforts de la COMESA pour soutenir les commerçants informels offrent des pistes. L’enjeu est de reconnaître leur contribution, tout en créant un cadre de formalisation souple, progressif et adapté.


Les Accords Commerciaux Régionaux et Leurs Impacts sur Goma

Goma se trouve au carrefour de deux grandes zones économiques : la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). L’adhésion récente de la RDC à l’EAC ouvre de nouvelles perspectives :

  • suppression des barrières tarifaires entre États membres ;
  • facilitation des mobilités commerciales ;
  • accès élargi aux marchés régionaux.

Cependant, la mise en œuvre concrète de ces accords reste lente. La RDC doit harmoniser ses législations commerciales, renforcer ses institutions, et dialoguer plus activement avec ses partenaires pour que ces accords profitent réellement aux acteurs économiques de Goma.