Les Défis du Commerce Transfrontalier – Voix des Acteurs Économiques


Le commerce transfrontalier à Goma n’est pas qu’un concept de politique économique. C’est une réalité vécue au quotidien par des milliers de personnes : commerçants, transporteurs, douaniers, autorités locales… À travers cette enquête de terrain, Journal OWANDJI est allé à la rencontre de ces acteurs pour recueillir leurs témoignages, entre difficultés, espoirs et propositions.

1. Les commerçants : “Chaque jour, c’est une course d’obstacles”

Agnès, vendeuse de fruits et légumes, traverse la frontière vers Gisenyi trois fois par semaine :

“Parfois, on nous dit qu’il faut payer une taxe, parfois non. Ça dépend de l’agent en poste. Il n’y a pas de règles claires.”

Jean-Paul, commerçant de produits électroniques au marché Virunga, déplore :

“Les produits que j’achète à Kigali doivent passer par plusieurs contrôles. Entre les retards à la douane et les coûts imprévus, je perds parfois 30 % de ma marge.”

2. Les transporteurs : “Des routes cassées, des postes encombrés”

Bisimwa, chauffeur sur l’axe Goma-Kisangani, explique :

“Les routes vers la frontière sont en mauvais état. Quand il pleut, certains camions restent bloqués. Et aux barrières, les délais sont longs, parfois jusqu’à 5 heures d’attente.”

Les moto-taximen transfrontaliers, qui transportent des colis légers, évoquent quant à eux des tracasseries policières répétées, surtout en soirée.

3. Les douaniers : “Le système manque de modernisation”

Un agent de la DGDA (sous couvert d’anonymat) reconnaît :

“Nous manquons d’équipements numériques. Certaines formalités sont encore faites manuellement. Cela ouvre la porte à des erreurs ou à des abus.”

Il souligne également le manque de coordination entre les douanes des deux pays :

“Chaque pays a ses propres exigences, ce qui complique la circulation des marchandises.”

4. Les autorités locales : “Il faut une approche régionale, pas isolée”

Un responsable de la Division provinciale du commerce insiste sur la dimension politique :

“Il ne suffit pas de construire une route. Il faut harmoniser les lois, signer des accords concrets avec le Rwanda et l’Ouganda, et surtout écouter les petits commerçants.”

5. Ce que proposent les acteurs interrogés : pistes de solutions

Parmi les recommandations issues des témoignages :

  • Créer un guichet unique intégré à la frontière pour centraliser toutes les démarches.
  • Simplifier les taxes et les rendre transparentes, avec un barème public.
  • Moderniser les infrastructures douanières, y compris les systèmes d’enregistrement.
  • Former les agents des frontières à la déontologie, pour réduire les pratiques illégales.
  • Mettre en place un cadre de concertation transfrontalier régulier entre commerçants, transporteurs et autorités des deux côtés.

Cette enquête montre que derrière les chiffres du commerce transfrontalier, il y a des vies, des luttes et une volonté partagée d’avancer. Pour que Goma joue pleinement son rôle de hub régional, il est urgent d’agir sur la base de ces réalités du terrain.