Petit commerce : souveraineté économique ou populisme économique ?

L’annonce du gouvernement congolais de mettre fin au moratoire qui permettait aux étrangers d’exercer dans le petit commerce marque un tournant. Dès novembre 2025, ce secteur sera de nouveau réservé exclusivement aux Congolais, conformément à la loi de 1973. Une décision saluée par certains comme une victoire de la souveraineté économique, mais qui suscite aussi des inquiétudes légitimes.

D’un côté, il est évident que la protection du petit commerce en faveur des nationaux répond à une nécessité sociale. Dans un pays où l’emploi formel reste rare et où l’informel constitue la principale source de revenus, garantir aux Congolais l’accès prioritaire à ce secteur est une mesure de justice économique. Trop souvent, les marchés de proximité et les petits commerces de détail ont été accaparés par des communautés étrangères disposant de capitaux et de réseaux solides, reléguant les nationaux à la marge de leur propre économie.

Mais de l’autre côté, la mesure interroge sur sa faisabilité et ses effets. Interdire brutalement aux étrangers de commercer, sans plan précis de substitution, risque de créer des tensions sociales et un vide économique difficile à combler. Les étrangers ont, qu’on le veuille ou non, structuré certaines filières d’approvisionnement, du petit commerce alimentaire aux biens de consommation. Si l’État ne prépare pas une relève crédible par des Congolais formés, financés et soutenus, le risque est grand de voir ressurgir la spéculation, la rareté et même une hausse des prix qui frappera les consommateurs.

Ce dossier révèle une vérité plus profonde : la souveraineté économique ne se décrète pas, elle se construit. Elle exige une politique industrielle, un accès au crédit pour les petits commerçants, des infrastructures de marché dignes de ce nom, et une lutte réelle contre la contrebande et la corruption. Faute de quoi, cette réforme restera un slogan politique, sans bénéfices durables pour les citoyens.

La RDC a raison de vouloir protéger ses entrepreneurs et de mettre fin à des dérogations qui ont vidé de son sens une loi nationale. Mais elle doit éviter de tomber dans l’illusion d’un protectionnisme stérile. La véritable bataille se situe ailleurs : diversifier l’économie, stimuler la production locale, formaliser l’informel et créer un environnement où les Congolais peuvent concurrencer équitablement sur leur propre sol.

En somme, fermer la porte aux étrangers ne suffit pas. Encore faut-il ouvrir la voie à une véritable émergence nationale.