Eddy Malou et la Congolexicomatisation : Quand le verbe congolais invente le monde

Dans une époque où les réseaux sociaux avalent tout les modes, les colères, les gloires et les oublis rares sont ceux qui parviennent à transformer un simple micro-trottoir en héritage culturel. Eddy Malou, lui, l’a fait. Avec son français torrentiel, ses néologismes étincelants et sa démarche d’orateur intemporel, « le premier savant de toute la République démocratique du Congo » s’est frayé un chemin jusqu’aux oreilles du monde.

Aujourd’hui, alors qu’il publie son tout premier ouvrage, La Congolexicomatisation, l’homme septuagénaire nous rappelle une vérité essentielle : la langue n’est pas seulement un outil, c'est une invention permanente. Et dans ce domaine, le Congo sait être prodigieusement généreux.

La parole comme géographie intérieure

Eddy Malou se définit comme un savant, mais il est peut-être, plus profondément, un poète instinctif. Sans téléphone ni internet, il a conquis des centaines de milliers d’esprits simplement en faisant ce qu’il aime : parler. Parler fort, parler bien, parler avec cette exubérance kinoise qui transforme chaque trottoir en scène de théâtre et chaque passant en élève improvisé.

Pendant près d’une décennie, ses rondelades oui, ses rondelades ! l’ont conduit de Matonge à l’UPN, de l’Unikin aux ruelles saturées de chaleur humaine. Il valabate dans la ville comme d’autres écrivent des romans. Et ses mots, parfois énigmatiques, parfois jubilatoires, portent toujours une charge symbolique : la fierté de penser par soi-même, dans ses propres formes, dans son propre souffle.

Un dictionnaire de liberté

Dans son ouvrage, plus de 200 mots naissent, ressuscitent, se transforment. C’est un dictionnaire, oui, mais c’est surtout un manifeste : celui de la liberté linguistique. Eddy Malou ne se contente pas de jouer avec les sons ; il recompose le monde.

  • Valabater : « se promener physiquement et intellectuellement ».

  • Rondelade : « une tournée qui revient à son point de départ ».

Ces mots, à première vue fantaisistes, disent quelque chose de palpable : le plaisir du mouvement, le goût de la démonstration, l’énergie bouillonnante de Kinshasa. Ils rappellent que la langue française, loin d’être figée, est un terrain de jeu formidable pour ceux qui osent l’habiter.

Une leçon pour nous tous

Qu’on admire le personnage ou qu’on s’en amuse, il y a dans la trajectoire d’Eddy Malou une vérité que la RDC devrait regarder de près : Nous avons un potentiel créatif inépuisable, mais nous attendons trop souvent que le monde nous dise qu’il existe.

Cet homme, autodidacte, sans plateforme officielle, sans relais institutionnel, a réussi là où beaucoup échouent : donner au pays une présence culturelle forte, inattendue et brillante. Il a transformé un simple passage devant une caméra en icône francophone.

Sa Congolexicomatisation n’est pas un caprice lexical. C’est une célébration de la capacité congolaise à inventer, détourner, réinterpréter, sublimer.

Conclusion : Savonisons-nous !

Oui, Eddy Malou aime dire « Congolexicomatisez-vous ! Agglutinogénisez-vous ! Savanestiquez-vous ! » Et si, au-delà du sourire, nous acceptions son invitation ? Inventer, créer, transformer, voilà ce qui manque parfois à notre quotidien empoisonné par les crises.

À l’heure où le monde s’intéresse à ce savant atypique, souvenons-nous que la créativité est l’une des plus puissantes ressources de notre nation. Et que parfois, il suffit d’un mot même inventé pour faire bouger les lignes.

Le Journal OWANDJI célèbre aujourd’hui la Congolexicomatisation, non comme un simple phénomène, mais comme un rappel puissant : la RDC parle, bouge, pense, crée… et le monde écoute.