Je suis le fermier du Kivu, chère…

Je suis le fermier du Kivu, chère lectrice, cher lecteur. Ma vie s’écrit dans la terre humide de nos collines, dans le parfum du café de nos hauts plateaux, dans la sueur qui coule sur mon front quand le soleil chauffe le champ de maïs. Je ne suis pas un héros anonyme : je suis ce visage caché derrière chaque tasse de café que vous dégustez à Goma, chaque fruit qui orne vos marchés, chaque légume qui nourrit vos familles.

Pourtant, combien de fois ai-je l’impression que ma voix ne porte pas au-delà de mes sillons ? On parle d’investissements, de grands projets de développement, de conférences internationales, mais qui écoute le murmure de la houe qui frappe la terre ? Qui entend le cri discret de nos semences qui cherchent une eau propre, des routes praticables, un marché juste ?

Je ne demande pas la charité. Je demande la dignité. Car dans mes champs se cache la souveraineté alimentaire de notre province et même de notre pays. Dans mes mains calleuses se trouve le levier d’une économie locale plus résiliente. Mais à condition que l’on m’accompagne, que l’on investisse dans la formation agricole, dans les coopératives, dans la transformation locale. À condition aussi que la paix protège mes cultures, car sans sécurité, pas d’agriculture.

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Je suis le fermier du Kivu, mais je ne veux pas rester l’oublié du développement. Je rêve d’un Congo où l’on respecte le travail de la terre autant que l’or et le coltan. Je rêve d’un Kivu où l’on dit aux enfants : « cultiver, c’est bâtir l’avenir ».

Alors, chère lectrice, cher lecteur, souvenez-vous : chaque fois que vous croquez dans un fruit ou que vous achetez un sac de farine, il y a derrière ce geste mon histoire, ma persévérance, ma foi en une économie plus humaine et durable.

Et si demain, enfin, on choisissait de bâtir le développement en commençant par la terre ?