Quand l’urgence politique prend le pas sur la sécurité des citoyens
La question que tout esprit sensé devrait se poser est la suivante : quelle était l’urgence, pour le Président de la République, d’inaugurer la reprise du trafic ferroviaire Kinshasa–Matadi, si c’était pour que les nouveaux trains roulent sur une voie délabrée et hors d’usage ?
Dans ce pays, on ne mesure plus le risque qu’on fait courir aux citoyens. Imaginez un train, avec tout son poids, lancé sur une voie posée sur des sacs de sable… C’est purement suicidaire ! Et demain, en cas de déraillement ou de pertes en vies humaines, l’on viendra décréter des journées de deuil national, alors que le drame pouvait être évité par une simple logique de gestion préventive.
Tout bon gestionnaire l’aurait compris : avant de relancer le trafic Matadi–Kinshasa, il fallait d’abord réhabiliter la voie de fond en comble. On ne peut pas envisager de faire circuler des trains modernes sur des rails vieux de plus d’un siècle, presque jamais entretenus, sans courir le risque de catastrophe.
Un rappel historique s’impose : cette voie a été érigée au prix d’immenses sacrifices humains. En juin 1892, Albert Thys, jeune officier belge, lançait les travaux de la ligne Matadi–Stanley Pool (Kinshasa). Sa construction coûta la vie à 1.932 personnes, dont 132 colons. Ce n’est qu’en mars 1898, après six ans de travaux, que le train atteignait enfin Stanley Pool. Aujourd’hui, plus de 130 ans plus tard, nous roulons encore sur les vestiges de cet héritage colonial, au mépris total de la sécurité de nos concitoyens.
Il est temps de se poser la vraie question : faut-il continuer à inaugurer dans la précipitation des infrastructures défectueuses, ou devons-nous enfin investir dans une réhabilitation sérieuse, durable et sécurisée ?
Ce dossier n’appelle pas à la polémique, mais à la responsabilité nationale. La modernisation du rail congolais n’est pas un luxe, c’est une urgence vitale. Car en matière de transport ferroviaire, chaque négligence se paie en vies humaines.