Quand l’État devient son propre foyer de contestation
Ce mardi à Kinshasa, ce ne sont pas des étudiants, ni des syndicalistes indépendants, ni des travailleurs du secteur privé qui sont descendus dans la rue. Ce sont les agents du ministère de l’Intérieur lui-même, l’un des cœurs névralgiques de l’appareil d’État. Leur revendication ? Le paiement de primes, d’indemnités permanentes et de frais de fonctionnement jamais versés. Leur méthode ? Des chants révolutionnaires, des slogans accusateurs, des cris de colère qui sonnent comme un désaveu direct envers ceux qui gouvernent.
Il y a là une contradiction presque surréaliste : le ministère chargé de la gestion interne, de l’ordre public et de la cohésion nationale est secoué par la contestation de ses propres agents, contraints de faire grève de la dignité pour rappeler à l’État ses obligations les plus élémentaires. Quand l’État n’assure plus la survie de ses propres serviteurs, comment peut-il prétendre assurer celle de ses citoyens ?
Ces fonctionnaires n’ont pas demandé des privilèges, mais simplement ce qui leur revient de droit : leur salaire, leurs primes, leurs moyens de travail. Et pourtant, ils se retrouvent à battre le pavé devant le ministère des Finances, faute d’avoir été entendus ailleurs. Ce spectacle illustre tristement l’incapacité de notre administration à répondre à temps aux besoins de ceux qui la font fonctionner au quotidien.
Mais au-delà du cas des agents de l’Intérieur, cette manifestation révèle un mal plus profond : l’absence de respect de l’État envers le travail et envers ses propres engagements. Car comment motiver des agents publics si les primes restent une chimère, si les frais de fonctionnement ne sont jamais débloqués ? Comment espérer un service public efficace si ceux qui le portent vivent dans la frustration et l’incertitude permanente ?
Un signal rouge pour le Gouvernement
Ce qui s’est passé ce mardi est un avertissement. Lorsque les forces de l’ordre, les fonctionnaires des ministères régaliens, ceux censés incarner l’autorité de l’État, choisissent la rue et les chansons révolutionnaires pour se faire entendre, cela signifie que la confiance est rompue. Et une fois la confiance rompue, il ne reste que la contestation, parfois incontrôlable.
Le Gouvernement doit comprendre que chaque mois de retard, chaque prime non payée, chaque indemnité ignorée, n’est pas seulement un problème budgétaire : c’est une bombe sociale à retardement.
