Les acteurs du microcrédit à Goma : une vision pour l’avenir
À Goma, ville à la fois résiliente et pleine d’initiatives, le microcrédit prend une place de plus en plus stratégique dans la lutte contre la pauvreté, le soutien à l’entrepreneuriat local et l’inclusion financière. Derrière ce mouvement, plusieurs visages incarnent cette dynamique : des responsables d’institutions de microfinance, des leaders associatifs, des gestionnaires de programmes communautaires. Ces hommes et femmes, engagés sur le terrain, tracent les contours d’un avenir où le financement ne serait plus un luxe, mais un droit pour tous. Voici quelques portraits de ces bâtisseurs du microcrédit à Goma.
1. Espérance Kavira – Directrice Régionale, Paidek Goma : "Un crédit, une dignité retrouvée"
Avec plus de 15 ans d’expérience dans la microfinance, Espérance Kavira est aujourd’hui une figure incontournable à Goma. À la tête de la branche régionale de Paidek, une institution pionnière dans le secteur, elle a vu évoluer les besoins des populations vulnérables.
« Nous avons commencé avec des femmes du petit commerce. Aujourd’hui, nous finançons aussi des jeunes start-ups, des coopératives agricoles et des artisans. Le microcrédit, ce n’est pas seulement un appui financier, c’est un outil de dignité. »
Sous sa direction, Paidek a mis en place des produits souples avec un accompagnement social : formations, visites à domicile, suivi post-crédit. Son prochain défi ? Lancer une plateforme digitale pour faciliter les demandes de crédit via mobile, notamment dans les quartiers périphériques.
2. Déo Mumbere – Responsable Microcrédit Jeunes, Tujijenge RDC : "Croire dans la jeunesse locale"
Déo est passionné par le développement local. À seulement 35 ans, il coordonne les programmes de microcrédit pour jeunes au sein de Tujijenge RDC, une IMF active à l’est du pays.
« Les jeunes de Goma sont dynamiques, mais manquent de leviers. Nous avons donc conçu un produit spécifique avec des prêts de démarrage à partir de 100 dollars, associés à une mini-formation. »
Il mise sur une approche communautaire, en créant des "clubs d’initiative économique jeunes", regroupant plusieurs bénéficiaires pour s’épauler mutuellement.
Son ambition ? Créer un incubateur mobile, pour aller au plus près des jeunes dans les quartiers populaires et les zones rurales de Nyiragongo et Sake.
3. Sœur Angélique Bahati – Coordinatrice, Projet WEMA Microfinance : "Mettre la finance au service des oubliés"
Religieuse et gestionnaire de projet, Sœur Angélique incarne une approche humaine de la microfinance. Le programme WEMA Microfinance, porté par une ONG catholique, cible les femmes marginalisées : veuves, déplacées internes, femmes chefs de ménages.
« Nos bénéficiaires sont souvent exclues du système bancaire classique. Pourtant, ce sont elles qui tiennent les marchés, les foyers, les communautés. »
Le programme repose sur la constitution de groupes solidaires, qui se garantissent mutuellement et bénéficient d’un encadrement sur mesure. Grâce à cette stratégie, plus de 800 femmes ont pu lancer une activité à Goma entre 2022 et 2024.
Aujourd’hui, Sœur Angélique plaide pour la reconnaissance officielle des programmes communautaires dans les politiques publiques de microfinance.
4. Jean-Marie Bashizi – Directeur de l’innovation, Hope RDC Microfinance : "Digitaliser pour inclure davantage"
Ingénieur de formation, Jean-Marie Bashizi a rejoint Hope RDC avec une mission claire : moderniser l’offre de services. Il travaille à développer des solutions numériques de microcrédit à faible coût, accessibles même aux clients non alphabétisés.
« À Goma, beaucoup d’entrepreneurs informels utilisent déjà le téléphone pour vendre ou acheter. Pourquoi pas pour emprunter ? »
Hope RDC a récemment lancé M-Kredi, une application mobile avec des crédits allant jusqu’à 200 USD, remboursables en plusieurs fois via mobile money.
Jean-Marie veut maintenant étendre ce service aux zones rurales proches de Goma, en s’appuyant sur des agents mobiles.
5. Claudine Mbusa – Fondatrice, Initiative Élan Féminin : "Financer les rêves des femmes rurales"
Ancienne bénéficiaire d’un microcrédit devenu formatrice, Claudine Mbusa a fondé Élan Féminin, une initiative locale qui promeut l’accès au financement pour les femmes rurales de la région du Kivu.
« Une femme qui a accès à 100 dollars peut nourrir sa famille, scolariser ses enfants et bâtir une activité durable. »
Son organisation propose des prêts tournants dans les villages autour de Goma, combinés à des caisses d’épargne, des ateliers de formation et un encadrement psychologique pour les femmes ayant subi des violences.
Elle rêve d’un fonds régional d’appui aux femmes rurales, financé par des partenaires publics et privés, pour amplifier l’impact de ses actions.
6. Jonas Mugisho – Coordinateur Régional, Programme de Microfinance de la Banque Centrale (PMF-BCDC)
Depuis quelques années, la Banque Centrale du Congo a renforcé sa présence à l’Est à travers des programmes spécifiques de soutien à la microfinance. Jonas Mugisho coordonne ces efforts à Goma, avec un regard stratégique.
« Notre rôle est d’encadrer, mais aussi de stimuler l’écosystème. Nous finançons les IMF crédibles, nous formons les gestionnaires, nous encourageons les innovations. »
Il travaille actuellement sur un cadre réglementaire plus souple, permettant aux petites IMF d’être agréées plus facilement, et aux acteurs communautaires d’accéder à des lignes de crédit publiques.
Une vision partagée : démocratiser l’accès au crédit
Malgré leurs profils variés, tous ces acteurs partagent une conviction commune : l’accès au microcrédit est un droit économique et social, pas un privilège. Pour eux, la finance ne doit pas exclure mais intégrer. Et leur vision va bien au-delà du prêt :
- Créer des écosystèmes d’accompagnement.
- Promouvoir l’éducation financière à grande échelle.
- Intégrer la technologie comme outil d’inclusion.
- Renforcer la solidarité locale comme base de sécurité financière.
Ils voient dans le microcrédit un levier de transformation sociale, capable d’impacter les quartiers les plus fragiles, de redonner espoir à la jeunesse, et de faire émerger un tissu économique local plus résilient.
Conclusion : Des bâtisseurs d’avenir silencieux mais essentiels
Les visages du microcrédit à Goma sont souvent discrets, loin des projecteurs. Mais leur impact est tangible, profond, structurant. Grâce à eux, des milliers de femmes, de jeunes, de déplacés, peuvent aujourd’hui envisager l’avenir avec un peu plus de sérénité.
Ce sont des bâtisseurs silencieux, mais leur travail résonne dans les ruelles des marchés, dans les ateliers artisanaux, dans les champs périphériques, et dans les rêves des entrepreneurs en devenir.
Et si l’avenir économique de Goma s’écrivait, aussi, à travers leurs mains ?