Les jeunes et le microcrédit : vers un entrepreneuriat dynamique
À Goma, ville jeune et bouillonnante d’initiatives, l’entrepreneuriat apparaît comme une réponse concrète aux défis du chômage et de l’insertion professionnelle. Mais face à un accès difficile aux financements classiques, le microcrédit s’impose comme un levier stratégique, notamment pour la jeunesse. Ce focus explore comment les jeunes entrepreneurs s’approprient cet outil financier, les soutiens dont ils bénéficient, les secteurs porteurs, et les défis spécifiques qu’ils rencontrent.
Une jeunesse entrepreneuse malgré les obstacles
La jeunesse de Goma est confrontée à un taux de chômage élevé, aggravé par les crises sécuritaires et économiques. Faute d’emplois formels, beaucoup se tournent vers l’auto-emploi.
Patrick, 24 ans, diplômé en gestion et fondateur d’une entreprise de livraison à moto, confie :
« Après mes études, je n’ai trouvé aucun emploi. J’ai décidé de créer ma propre activité, mais sans argent, c’était impossible. Grâce à un microcrédit de 300 dollars, j’ai pu acheter une moto et lancer mon service. »
Comme lui, de nombreux jeunes voient dans le microcrédit une porte d’entrée vers l’autonomie professionnelle. Ce n’est pas seulement une source de financement, mais aussi une reconnaissance de leur capacité à entreprendre.
Des secteurs investis par les jeunes
Les projets lancés par les jeunes grâce au microcrédit sont variés. Plusieurs secteurs se démarquent par leur accessibilité et leur potentiel de rentabilité :
- Le commerce de proximité : vente de vêtements, produits alimentaires, accessoires téléphoniques.
- Les services : livraison, coiffure, photographie, maintenance informatique, formation numérique.
- L’agriculture urbaine : maraîchage, élevage de volailles, production de champignons.
- L’innovation numérique : petits services en ligne, conception de sites, cybercafés.
Ces activités ne demandent souvent que de faibles capitaux de départ et permettent des revenus réguliers. Le microcrédit, même à hauteur de 100 à 500 dollars, suffit à initier un petit projet et à en tester la viabilité.
Le microcrédit, entre financement et accompagnement
Plusieurs institutions de microfinance (IMF) à Goma ont mis en place des produits adaptés aux jeunes entrepreneurs. C’est le cas de Finca, Tujijenge, Paidek, Mecrego ou encore Hope RDC, qui proposent des crédits allant de 100 à 1000 dollars avec des conditions parfois assouplies pour les jeunes primo-demandeurs.
Mais au-delà de l’argent, l’accompagnement devient un facteur clé de réussite. De nombreuses IMF intègrent aujourd’hui des sessions de formation en gestion de projet, planification financière, marketing ou épargne.
Sandrine, responsable jeunes chez une IMF de la place, explique :
« Les jeunes manquent souvent d’expérience. Nous les aidons à structurer leur projet avant le décaissement, et nous faisons un suivi mensuel. Le but est de construire leur autonomie, pas seulement de leur prêter. »
Cette approche intégrée (crédit + coaching) est saluée par les bénéficiaires, qui se sentent mieux outillés pour affronter les réalités du terrain.
Des difficultés spécifiques à la jeunesse
Malgré leur dynamisme, les jeunes entrepreneurs rencontrent plusieurs obstacles dans leur relation au microcrédit :
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Le manque de garanties : la majorité ne possède ni terrain, ni fonds propres, ni antécédents financiers. Cela les disqualifie souvent pour les prêts formels, malgré leur motivation.
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Le manque de confiance des institutions : certains jeunes témoignent d’une certaine méfiance de la part des IMF, qui les considèrent comme "à risque".
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La faible culture financière : beaucoup lancent des projets sans prévisions claires, ce qui peut entraîner des difficultés de remboursement.
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L’instabilité économique : la conjoncture locale, marquée par l’insécurité, peut fragiliser des micro-entreprises encore naissantes.
Christophe, 22 ans, vendeur de pièces de téléphones, raconte :
« J’ai reçu un crédit de 250 dollars, mais quand le marché a été fermé à cause des manifestations, je n’ai pas pu vendre pendant deux semaines. J’ai pris du retard dans les remboursements. On m’a pénalisé lourdement. »
Des solutions en cours d’expérimentation
Face à ces réalités, certaines initiatives locales cherchent à adapter le microcrédit aux réalités de la jeunesse :
- Crédits de groupe jeunes : plusieurs IMF favorisent la création de "clubs jeunes" où les membres se portent garants les uns des autres.
- Mentorat entrepreneurial : des associations comme Kivu Entrepreneurs ou Goma Incubator proposent des programmes de mentorat et de pré-incubation, associés à des microcrédits.
- Périodes de grâce : certains programmes accordent des différés de paiement pendant les premiers mois, permettant aux jeunes de lancer leur activité sans pression immédiate.
- Plateformes numériques : de jeunes fintechs congolaises proposent des solutions mobiles pour accéder à des micro-prêts, avec des systèmes de scoring alternatifs basés sur le comportement digital ou le réseau social.
Ces innovations visent à rendre le microcrédit plus inclusif, plus agile et mieux aligné avec les réalités de terrain.
Histoires de réussite : la preuve que c’est possible
De nombreux jeunes entrepreneurs de Goma ont su tirer parti du microcrédit pour transformer leur quotidien. Voici quelques exemples marquants :
- Gloria, 26 ans, a créé un petit atelier de couture grâce à un prêt de 400 dollars. Elle emploie aujourd’hui deux autres jeunes femmes.
« Mon rêve est de lancer ma propre marque. Le microcrédit m’a donné un point de départ. »
- Eric, 30 ans, a lancé un service de lavage écologique de motos.
« Avec un petit prêt, j’ai acheté du matériel. Je gagne maintenant plus que je n’aurais gagné comme salarié. »
Ces exemples illustrent que le microcrédit peut jouer un rôle décisif dans l’éclosion de talents et le développement de projets innovants.
Perspectives : vers un écosystème favorable à la jeunesse
Pour que le microcrédit devienne un véritable outil d’autonomisation de la jeunesse, il est essentiel de construire un écosystème plus favorable :
- Former massivement les jeunes à la gestion financière et entrepreneuriale dans les écoles, universités et centres de formation.
- Créer des incitations spécifiques pour les IMF qui investissent dans les jeunes, avec le soutien des autorités ou des partenaires internationaux.
- Favoriser les passerelles entre microcrédit et épargne, afin que les jeunes apprennent à capitaliser leurs revenus.
- Impliquer les jeunes dans la conception des produits financiers qui leur sont destinés.
Conclusion : une jeunesse prête à entreprendre, à condition d’être accompagnée
Le microcrédit a un potentiel immense pour stimuler un entrepreneuriat jeune, dynamique et local à Goma. Les jeunes, malgré les défis, montrent une capacité étonnante à transformer de petits capitaux en projets viables et innovants. Mais pour que ces efforts portent leurs fruits à grande échelle, il faut aller au-delà du simple prêt : former, écouter, innover, faire confiance.
À travers un microcrédit mieux adapté, la jeunesse de Goma peut devenir l’un des moteurs du développement économique de la région. Une jeunesse qui n’attend pas d’être employée, mais qui crée son propre emploi, et parfois même, ceux des autres.