Le rôle de l’État dans la promotion des investissements à Goma


Dans un contexte où Goma connaît une transformation économique et urbaine rapide, la question du rôle de l’État dans la facilitation et l’encadrement des investissements devient centrale. Si les dynamiques entrepreneuriales locales, les initiatives de la diaspora et les partenariats internationaux jouent un rôle clé, c’est bel et bien l’action publique qui structure l’environnement dans lequel ces investissements s’inscrivent. Fiscalité incitative, partenariats public-privé, politique foncière, accompagnement des investisseurs : que fait réellement l’État pour attirer et sécuriser les investissements à Goma ?


1. L’environnement législatif national favorable, mais encore peu appliqué localement

Depuis plusieurs années, la RDC a adopté une série de textes législatifs visant à rendre le pays plus attractif aux investissements, nationaux comme étrangers. La Loi n°004/2002 portant Code des Investissements prévoit notamment :

  • Des avantages fiscaux (exonérations temporaires de l’Impôt sur les Bénéfices et Profits – IBP),
  • La protection des investisseurs contre l’expropriation abusive,
  • La libre rapatriation des bénéfices pour les investisseurs étrangers.

L’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements (ANAPI) joue un rôle de guichet national pour l’orientation et l’accompagnement des investisseurs.

Cependant, l’application de ce cadre à Goma reste inégale. De nombreux investisseurs interrogés constatent un décalage entre les dispositions nationales et les pratiques locales, où des pesanteurs administratives, des chevauchements de compétences et des frais non officiels compliquent la mise en œuvre des avantages promis.


2. Mesures fiscales et incitations locales : entre volonté et obstacles

La mairie de Goma et le gouvernement provincial du Nord-Kivu ont, ces dernières années, multiplié les initiatives pour soutenir l’investissement privé :

a) Allègements fiscaux ciblés

Certaines zones d’activités, comme les quartiers industriels en extension (Mugunga, Katindo, Buhimba), bénéficient de taux réduits ou différés de taxes locales, notamment sur la patente, les permis de construire ou les redevances de voirie.

b) Appui aux jeunes entrepreneurs

Le programme provincial "Inuka Kivu", lancé en 2023, vise à faciliter l’enregistrement d’entreprises portées par les jeunes et les femmes, avec des exonérations de taxes locales durant les 12 premiers mois d’activité.

c) Création d’un guichet économique local

En 2024, un guichet unique provincial a été mis en place à Goma, censé centraliser les démarches liées à la fiscalité locale, à l’obtention de permis, et à la création d’entreprise.

Malgré ces efforts, les résultats sur le terrain restent mitigés, en raison notamment :

  • d’un manque de coordination entre les services (mairie, province, services fiscaux),
  • de la persistance de pratiques informelles,
  • d’un accès encore limité à l’information sur les avantages fiscaux disponibles.

"Il faut professionnaliser les services, renforcer la transparence et mieux diffuser les textes. Beaucoup d’investisseurs ne savent même pas qu’ils ont droit à des exonérations," souligne un responsable de la FEC à Goma.


3. Partenariats public-privé (PPP) : une stratégie de développement local

L’État, à travers ses démembrements locaux, a progressivement intégré le partenariat public-privé (PPP) comme levier pour financer les projets structurants, sans dépendre uniquement de l’aide internationale.

a) Exemples de PPP à Goma

  • Le projet de réhabilitation de la voirie urbaine (routes Majengo-Kyeshero, entrée ville, lac vert) s’est fait en partie via des partenariats avec des entreprises locales de BTP.
  • Le marché central modernisé de Goma est également en cours de reconstruction avec l’appui d’un consortium privé.
  • Des discussions sont en cours autour de la gestion déléguée du port public de Goma, avec un modèle de PPP inspiré du port de Kalemie.

Ces PPP permettent de mobiliser rapidement des financements, d’introduire des standards de gestion privée, et de réduire la charge de l’État. Mais leur succès dépend :

  • de la clarté des contrats et des responsabilités,
  • de la stabilité institutionnelle,
  • d’un suivi technique et financier rigoureux.

"Un PPP mal conçu peut aboutir à des monopoles privés ou à des dérives tarifaires," prévient un consultant en développement urbain basé à Kigali.


4. Amélioration de la gouvernance économique locale

Conscient de la méfiance de nombreux investisseurs vis-à-vis de la gouvernance locale, l’État, par le biais du Ministère de la Décentralisation, soutient actuellement des programmes pilotes dans certaines villes, dont Goma, pour :

  • Renforcer les capacités des services urbains (cadastre, urbanisme, finances locales),
  • Mettre en place des procédures budgétaires transparentes,
  • Développer une fiscalité locale équitable et lisible.

Le processus d’élaboration du Plan Directeur d’Urbanisme de Goma 2025–2040, en cours depuis 2023, associe les acteurs publics, privés et la société civile. Ce document, une fois validé, devra fournir une feuille de route claire pour les investissements urbains, en définissant les zones de développement, les priorités en matière d’infrastructures, et les normes d’urbanisation.


5. L’intégration régionale : une carte que joue aussi l’État

Le rôle de l’État ne se limite pas au niveau local. À l’échelle régionale, le gouvernement central travaille à l’intégration de Goma dans les corridors économiques Est-Africains, via :

  • Le projet de corridor Bukavu-Goma-Gisenyi-Kigali, visant à fluidifier les échanges avec le Rwanda et le Burundi.
  • La participation de la RDC à la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), qui ouvre de nouveaux marchés et facilite l’harmonisation des normes douanières.
  • Le soutien à des initiatives de zones économiques spéciales, dont une est envisagée à la frontière entre Goma et Rubavu.

Ces dynamiques renforcent l’attractivité de Goma comme carrefour logistique et commercial régional, à condition que les réformes locales suivent.


Conclusion : Un État encore perfectible, mais engagé

L’État, à travers ses multiples niveaux d’intervention, joue un rôle structurant dans la promotion des investissements à Goma. L’existence de textes incitatifs, de projets de PPP, de mesures fiscales ciblées et d’un effort de planification urbaine démontre une volonté de créer un environnement plus favorable aux affaires.

Cependant, pour que cette volonté se traduise en impact réel sur le terrain, il reste de nombreux défis à relever : renforcer la transparence, stabiliser les institutions locales, simplifier les démarches, et surtout, restaurer la confiance des investisseurs.

À Goma, les investissements privés ne peuvent porter leurs fruits qu’à condition d’un engagement public constant, et d’une collaboration intelligente entre l’État, les entreprises et la société civile.