Les défis de l’investissement à Goma : Entre opportunités et obstacles
Dans un contexte de transformation économique accélérée, Goma attire de plus en plus d’investisseurs, séduits par son dynamisme urbain, sa position stratégique dans la région des Grands Lacs et la jeunesse de sa population. Toutefois, malgré l’effervescence apparente, l’investissement dans cette ville de l’est de la République Démocratique du Congo reste semé d’embûches. Une enquête menée auprès d’investisseurs locaux, membres de la diaspora, et représentants de sociétés étrangères met en lumière un contraste frappant entre potentiel et réalité. Opportunités prometteuses, mais aussi insécurité, lourdeurs administratives, défis logistiques… Voici les principales leçons de cette enquête.
Des opportunités économiques qui attisent les ambitions
Goma bénéficie d’un avantage géographique indéniable : ville frontalière avec le Rwanda, proche du lac Kivu, porte d’entrée vers les territoires agricoles du Nord-Kivu et carrefour entre l’Afrique de l’Est et centrale. Cela en fait un point stratégique pour le commerce régional.
De nombreux investisseurs interrogés soulignent l’émergence de secteurs porteurs, notamment :
- L’agriculture et l’agro-industrie, avec la demande croissante de transformation locale.
- L’immobilier, tiré par l’urbanisation rapide et l’arrivée de la diaspora.
- Le numérique, dopé par l’expansion de l’Internet haut débit.
- Le tourisme, encore sous-exploité mais avec un potentiel immense autour du Parc des Virunga.
"Goma a tout d’un futur pôle économique, il y a une jeunesse entreprenante, une forte demande de services, et un marché en construction", témoigne Dieudonné M., entrepreneur dans la tech.
De plus, le climat d’affaires local s’améliore lentement. La mairie de Goma, l’ANAPI (Agence Nationale pour la Promotion des Investissements) et certains guichets économiques de la province affichent une volonté de simplification des procédures et d’accompagnement des nouveaux investisseurs.
Les défis majeurs identifiés par les investisseurs
Malgré ce potentiel, les témoignages recueillis révèlent une série de freins persistants qui ralentissent, voire dissuadent certains porteurs de projets :
1. L’insécurité persistante
C’est le premier obstacle cité par les investisseurs, surtout ceux venus de l’étranger ou basés à Kinshasa.
"Il est difficile de convaincre des partenaires de venir s’installer ici tant que la situation sécuritaire dans les zones environnantes reste instable," affirme une représentante d’un fonds d’investissement est-africain.
Même si la ville de Goma en elle-même est relativement stable, l’instabilité dans les territoires de Masisi ou Rutshuru a un impact direct sur l’approvisionnement, la mobilité des marchandises, et la perception générale de la région.
2. La logistique et les infrastructures limitées
Les coûts de transport, de stockage et d’importation restent anormalement élevés à Goma. Le port sur le lac Kivu est sous-exploité, le réseau routier vers l’intérieur du pays est fragile, et les coupures d’électricité affectent de nombreux projets.
"Faire venir une machine depuis Nairobi ou Kampala peut prendre des semaines, avec des frais imprévisibles," explique un investisseur dans l’agro-industrie.
3. Des procédures administratives lourdes et peu transparentes
Malgré la présence de structures comme le guichet unique de création d’entreprise, de nombreux investisseurs dénoncent :
- La multiplication des taxes locales.
- Des retards dans les délivrances de documents (titre foncier, permis de construire…).
- Des pressions informelles à différents niveaux.
"On ne sait jamais si ce que l’on paie est légal ou non. Il faut sans cesse négocier ou faire appel à des relations," déplore une entrepreneure du secteur immobilier.
4. Accès difficile au financement local
Les banques locales, prudentes, exigent des garanties importantes et appliquent des taux d’intérêt élevés. Les dispositifs de soutien à l’investissement (crédit agricole, subventions à l’innovation, etc.) sont quasi inexistants ou mal connus.
De nombreux entrepreneurs se tournent vers la microfinance, la diaspora ou les partenariats internationaux pour trouver des fonds. Cela limite les possibilités d’expansion pour les petites et moyennes entreprises locales.
Des secteurs particulièrement exposés
Certains secteurs cumulent les défis :
- L’immobilier, freiné par les conflits fonciers et le manque de cadastre clair.
- L’agriculture, dépendante d’un environnement logistique faible et de marchés instables.
- L’industrie légère, qui souffre des coûts énergétiques et du manque de main-d’œuvre qualifiée.
Cependant, les services numériques et la restauration semblent mieux s’adapter à l’environnement actuel, du fait de leur flexibilité et de leurs besoins d’investissement moindres.
Les solutions proposées par les investisseurs
Les acteurs économiques interrogés ne se contentent pas de dresser un tableau pessimiste : ils proposent aussi des pistes concrètes pour améliorer le climat d’affaires à Goma.
Voici les recommandations les plus fréquentes :
- Renforcer la sécurité non seulement militaire, mais aussi juridique (lutte contre la corruption, sécurité foncière, justice commerciale).
- Améliorer les infrastructures clés (routes secondaires, électricité, accès à l’eau) à travers des partenariats public-privé bien encadrés.
- Simplifier les démarches administratives, avec une numérisation réelle des procédures et une réduction des taxes parallèles.
- Créer un fonds de garantie pour les PME locales, et développer les mécanismes de financement adaptés aux jeunes entrepreneurs.
- Mettre en place une cellule de soutien aux investisseurs à Goma même, avec des services d’accompagnement, d’information et de médiation.
Des efforts en cours… mais encore timides
Certaines initiatives vont déjà dans le bon sens. En 2024, la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) à Goma a renforcé son plaidoyer auprès des autorités locales pour protéger les investisseurs et faciliter les démarches. Des ateliers ont été organisés pour améliorer la compréhension du cadre fiscal, et un dialogue est en cours pour harmoniser les taxes locales.
La mairie de Goma, de son côté, a lancé un processus de réforme de la gestion foncière, et affirme vouloir adopter une politique plus favorable à l’investissement privé. L’ANAPI promet également l’ouverture d’une représentation régionale dans le Nord-Kivu d’ici fin 2025.
Conclusion : Investir à Goma, un pari à long terme
Malgré les obstacles, nombreux sont ceux qui persistent à croire au potentiel de Goma. Car au-delà des difficultés, cette ville dispose d’un atout rare : une population jeune, ambitieuse, créative — et une géographie qui la place au cœur des dynamiques économiques régionales.
L’investissement à Goma reste un pari risqué, mais potentiellement rentable à moyen et long terme. À condition que les efforts de réforme, de sécurisation et de structuration de l’environnement économique s’accélèrent.