Comment transformer Goma en un véritable pôle économique pour la région


Située aux portes de la région des Grands Lacs, entre la République démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda, Goma possède un potentiel stratégique immense. Ville frontalière, carrefour commercial, centre urbain en pleine croissance, elle est appelée à jouer un rôle moteur dans le développement économique du Kivu. Mais pour que cette vocation devienne réalité, il faut plus qu’un afflux ponctuel d’investissements : il faut une vision stratégique, des politiques cohérentes, et surtout une volonté collective d’ancrer le développement dans la durée.


1. Goma : un potentiel géographique et humain sous-exploité

Goma bénéficie d’atouts incontestables :

  • Une position géographique privilégiée au croisement des routes commerciales régionales,
  • Une jeune population dynamique et entreprenante,
  • Un accès unique au lac Kivu, au Parc des Virunga et à plusieurs frontières actives.

Malgré cela, la ville reste encore fragile sur le plan économique : pauvreté persistante, informalité dominante, faible industrialisation, dépendance à l’importation, infrastructures vieillissantes, etc.

Pour qu’elle devienne un véritable pôle économique régional, il ne suffit pas d’attirer des projets : il faut transformer ces investissements en leviers de changement systémique.


2. Ancrer les investissements dans une vision urbaine cohérente

Le développement de Goma ne peut être laissé à la seule initiative privée. Il doit s’inscrire dans une vision d’aménagement du territoire à long terme, pilotée par les autorités locales avec le soutien du gouvernement central et des partenaires techniques.

Cette vision devrait inclure :

  • Un plan directeur urbain participatif, intégrant zones économiques, résidentielles, industrielles et touristiques,
  • Des projets d’infrastructure structurants (voirie, énergie, télécommunications, gestion des déchets),
  • Une politique de mobilité urbaine et transfrontalière favorisant les échanges économiques.

Sans cadre urbain clair et planifié, les investissements risquent d’engendrer davantage d’inégalités, de pression foncière et de conflits d’usage.


3. Miser sur des chaînes de valeur locales fortes

Trop souvent, les investissements à Goma se concentrent dans les secteurs extractifs, les services ou l’immobilier à court terme. Or, pour structurer une économie durable, il est essentiel de développer des chaînes de valeur locales intégrées dans des domaines clés :

  • Agriculture et agro-industrie : transformation locale, conditionnement, distribution régionale ;
  • Énergie verte : petite hydroélectricité, solaire, biogaz pour répondre aux besoins énergétiques croissants ;
  • Technologie et numérique : soutien aux start-ups, centres de formation, inclusion numérique ;
  • Construction locale : utilisation de matériaux durables, techniques adaptées, normes de qualité.

Ces chaînes doivent être soutenues par des politiques d’accompagnement, des incitations fiscales ciblées et un accès au financement facilité.


4. Investir dans le capital humain et les compétences locales

Aucune transformation économique durable ne peut se faire sans capital humain qualifié. Or, à Goma, les besoins en formation dépassent largement l’offre actuelle :

  • Manque de centres de formation technique et professionnelle ;
  • Faible adéquation entre les programmes universitaires et les besoins du marché ;
  • Faible accès des femmes et des jeunes aux opportunités économiques.

Il est impératif de repenser l’éducation et la formation professionnelle comme piliers de la compétitivité régionale.

Cela implique :

  • Des partenariats entre entreprises et institutions éducatives,
  • L’introduction de formations courtes, modulaires et certifiantes,
  • Le soutien à l’entrepreneuriat des jeunes à travers des incubateurs et des programmes d’amorçage.

5. Sécuriser l’environnement des affaires

Un des freins majeurs au développement de Goma reste l’insécurité juridique, administrative et parfois physique. Pour libérer les énergies entrepreneuriales et attirer des capitaux sérieux, plusieurs réformes sont nécessaires :

  • Simplification des démarches administratives (création d’entreprise, obtention de permis),
  • Lutte active contre la corruption dans les services publics et douaniers,
  • Stabilité réglementaire et fiscalité claire, adaptée aux PME,
  • Renforcement de la justice commerciale et des mécanismes de règlement des litiges.

Un climat des affaires assaini est la condition sine qua non pour passer d’une économie de survie à une économie de croissance.


6. Construire un écosystème d’investissement inclusif

Il ne suffit pas d’attirer de grands investisseurs ou de lancer des projets phares. Il faut créer un écosystème dans lequel les petits acteurs locaux, les jeunes entrepreneurs, les femmes, les coopératives agricoles trouvent aussi leur place.

Cela suppose :

  • Le développement de fonds d’investissement adaptés aux PME et startups,
  • L’accès au microcrédit et au capital patient,
  • Des espaces de dialogue et de concertation entre acteurs publics, privés et communautaires.

Transformer Goma, c’est aussi donner voix et moyens à ceux qui, souvent invisibles, font tourner l’économie locale au quotidien.


7. S’appuyer sur la coopération régionale et la diplomatie économique

Enfin, Goma ne peut se développer de façon isolée. Sa prospérité est liée à celle de ses voisins : Gisenyi, Bukavu, Bunia, Bujumbura, Kigali. Il est donc essentiel d’intégrer une dimension transfrontalière et régionale dans toute stratégie de développement :

  • Renforcer les accords bilatéraux commerciaux et la fluidité aux frontières,
  • Créer des zones économiques spéciales transfrontalières,
  • Promouvoir Goma comme plateforme logistique régionale,
  • Participer activement aux instances de coopération régionale comme la CEPGL et l’EAC.

Conclusion : une ambition collective à bâtir

Faire de Goma un pôle économique régional ne sera pas l’œuvre d’un seul acteur, ni d’un seul mandat politique. C’est un projet collectif, intergénérationnel, fondé sur une vision claire, inclusive et durable. Les investissements, qu’ils soient publics ou privés, locaux ou étrangers, ne produiront d’impact que s’ils sont intégrés dans un cadre cohérent, porté par une gouvernance transparente et une société civile impliquée.

Le temps est venu pour Goma de changer de dimension, non pas en reproduisant les modèles du passé, mais en inventant sa propre voie de développement, fondée sur ses ressources, ses talents, et son ancrage régional.