État civil : une bataille pour l’existence légale des Congolais
L’atelier organisé à Kasa-Vubu par l’ONG Moje rappelle une vérité trop souvent négligée : en République démocratique du Congo, des millions de citoyens vivent sans existence légale reconnue par l’État. Ne pas enregistrer une naissance, un mariage ou un décès n’est pas un simple oubli administratif. C’est une exclusion silencieuse qui prive des droits fondamentaux et fragilise le tissu social.
La déclaration de naissance, par exemple, ouvre la porte à l’éducation, aux soins de santé, à l’obtention d’une carte d’identité ou d’un passeport. Sans ce document, un enfant est condamné à rester invisible aux yeux de la République. Plus tard, il ne pourra ni passer des examens officiels, ni accéder à un emploi formel, ni même voter. De la même manière, un mariage non enregistré fragilise les droits de la femme et des enfants, surtout en cas de séparation ou de décès. Quant à l’acte de décès, son absence alimente l’insécurité juridique, les conflits d’héritage et l’instabilité familiale.
Pourtant, malgré leur importance vitale, ces démarches sont encore perçues par beaucoup comme des formalités secondaires, voire inutiles. La responsabilité en revient autant aux citoyens qu’aux institutions. Les premiers, souvent mal informés ou découragés par la complexité des procédures. Les secondes, trop peu présentes, mal organisées et parfois corrompues, rendant l’accès à ces services difficile, surtout pour les familles les plus vulnérables.
Ce qui se joue ici, c’est le contrat de citoyenneté. L’acte d’état civil n’est pas qu’un papier : c’est la reconnaissance officielle de l’appartenance à une communauté nationale. Refuser ou négliger cette reconnaissance, c’est fragiliser l’État lui-même.
À l’heure où la RDC aspire à se moderniser, il est urgent que les autorités locales, les Églises, les ONG et la société civile fassent front commun pour renforcer la culture de l’enregistrement. Sensibilisation, simplification des procédures, numérisation des registres et gratuité effective des actes doivent devenir des priorités.
Car une nation qui ne reconnaît pas ses enfants à la naissance, qui ne protège pas ses familles dans le mariage, qui n’honore pas ses morts à travers des documents légaux, est une nation qui se prive d’une part de son humanité et compromet son avenir.
Reconnaître chaque vie, chaque union et chaque départ, voilà la base d’un État véritablement inclusif et juste.