Kinshasa face au défi de l’urbanisme : démolir pour reconstruire ?
L’opération menée mardi par l’Hôtel de ville de Kinshasa, au rond-point Ngaba, soulève à nouveau une question de fond : comment concilier l’impératif de modernisation urbaine avec la réalité sociale des habitants ? La démolition des constructions érigées illégalement a été justifiée par la nécessité de libérer des espaces pour aménager des parkings publics et fluidifier la circulation dans une capitale étouffée par ses embouteillages chroniques. Sur le papier, l’objectif est noble et même urgent : améliorer la mobilité urbaine, redonner de l’ordre et de la propreté aux espaces publics, et préparer Kinshasa à devenir une métropole moderne.
Mais au-delà de la logique urbanistique, surgit une autre interrogation, celle de la justice sociale. Ces petites constructions illégales, souvent des échoppes, des kiosques ou des abris de fortune, représentent pour beaucoup de familles leur unique source de revenus. Les balayer d’un coup de bulldozer sans alternatives claires risque d’aggraver la précarité déjà criante. Kinshasa, comme d’autres grandes villes africaines, est prise au piège d’un urbanisme sauvage qui résulte moins de la mauvaise volonté des populations que de l’absence prolongée d’une planification urbaine cohérente et inclusive.
Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la fluidité des artères ou la beauté de la ville, mais le contrat social entre les autorités et les citoyens. Moderniser la capitale ne peut pas se faire uniquement par la force ; il faut accompagner, expliquer, compenser, et surtout proposer des solutions de relogement ou de réinsertion économique à ceux qui perdent tout dans ces opérations.
En réalité, la démolition ne devrait être que la première étape d’un vaste projet de réorganisation de l’espace urbain : planification des marchés populaires, création de zones commerciales légales et accessibles, soutien aux petites entreprises locales, et surtout éducation civique pour faire comprendre à chacun la valeur des espaces publics.
Kinshasa a besoin de respirer, c’est une évidence. Mais elle a aussi besoin que ses enfants soient considérés comme des partenaires de sa transformation, et non comme des obstacles à éliminer. La capitale congolaise n’entrera dans la modernité que si sa population y est pleinement intégrée, écoutée et accompagnée.
Démolir est facile. Reconstruire un urbanisme humain et inclusif : voilà le véritable défi.