Le permis biométrique, symbole d’un État qui se numérise à pas comptés

La remise, ce 4 septembre 2025, d’un appareil mobile de vérification du permis de conduire biométrique à la Police Nationale Congolaise (PNC) constitue sans doute un pas important dans la lutte contre la fraude documentaire. En présence de deux poids lourds du gouvernement Jacquemain Shabani Lukoo, ministre de l’Intérieur, et Jean-Pierre Bemba, ministre des Transports l’État a voulu donner un signal fort : la modernisation de la gouvernance passe aussi par la numérisation des services publics.

Une avancée technique, mais encore symbolique

L’appareil permettra aux agents de la Police de Circulation Routière de vérifier l’authenticité des permis grâce à la puce électronique intégrée. Une innovation bienvenue dans un pays où les faux documents de conduite prolifèrent depuis des années, alimentant l’insécurité routière et les réseaux mafieux. Le commissaire divisionnaire Bale Kukay a raison de saluer un outil « efficace » contre les fraudeurs. Mais l’expérience congolaise nous enseigne que la technologie seule ne suffit pas : sans discipline, transparence et rigueur, l’appareil risque de se transformer en gadget.

Le défi de l’application sur le terrain

Avant sa mise en service, une formation est prévue pour les policiers. Mais la véritable question reste la capacité de déploiement à grande échelle. Combien d’appareils seront distribués ? Seront-ils disponibles au-delà de Kinshasa, dans les provinces où la circulation est tout aussi anarchique ? Et surtout, l’utilisation de ces dispositifs sera-t-elle accompagnée d’une lutte résolue contre la corruption au sein de la PNC ?

Une réforme attendue depuis trop longtemps

Le retour du permis biométrique, lancé en novembre 2024 après près d’une décennie d’interruption, avait suscité beaucoup d’espoirs. Pourtant, les lenteurs administratives, le moratoire prolongé jusqu’au 30 juin 2025, et les retards dans le contrôle effectif, ont fini par semer le doute. L’initiative actuelle doit donc être comprise comme un test grandeur nature : prouver que l’État est capable de passer de l’annonce à l’action.

Moderniser, c’est aussi assainir

La numérisation des documents officiels permis, cartes d’identité, passeports est une arme contre la fraude. Mais elle ne sera crédible que si elle s’accompagne d’une volonté d’assainir les circuits administratifs, de protéger les données personnelles et de rendre le processus accessible à tous les citoyens, sans discrimination sociale ou géographique.

Conclusion : entre promesse et vigilance

Le dispositif mobile de vérification des permis biométriques est une promesse. Promesse de sécurité routière, promesse de lutte contre la fraude, promesse d’un État moderne. Mais il n’appartient pas aux machines de bâtir la confiance publique : ce rôle incombe à la volonté politique, à la rigueur administrative et à l’intégrité des agents chargés d’appliquer la réforme.

À l’heure où la RDC multiplie les chantiers de numérisation, l’épreuve du permis biométrique servira de baromètre : dira-t-elle si la modernité administrative n’est qu’un slogan ou une véritable transformation au service des Congolais ?