Nord-Kivu : une taxe sur le carburant a financé douze ans de routes
Dans un pays où la dégradation des routes est souvent attribuée au manque de moyens, l’expérience du Nord-Kivu vient bousculer les idées reçues. Pendant douze années, cette province de l’Est de la RDC a réussi à construire et entretenir ses routes grâce à un mécanisme aussi simple qu’efficace : une taxe locale sur le carburant, payée par les usagers, et sécurisée dans un compte dédié et contrôlé.
C’est cette expérience que Julien Paluku, ancien gouverneur du Nord-Kivu et actuel ministre du Commerce extérieur, a remise au centre du débat lors des Conférences annuelles du Service public à Kinshasa. Un témoignage qui mérite une attention particulière, tant il contraste avec les pratiques courantes de gestion des finances publiques.
Quand l’usager finance directement l’infrastructure
Le principe était clair : chaque litre de carburant consommé contribuait, de manière indirecte mais régulière, au financement des routes. Ceux qui utilisent la route participent à son entretien. Pas de dépendance exclusive aux financements extérieurs, pas d’attente interminable des rétrocessions, mais une ressource locale, prévisible et continue.
L’innovation majeure ne résidait pas uniquement dans la taxe elle-même, mais dans la sécurisation des recettes. L’argent collecté ne transitait pas par des circuits opaques : il était logé dans un compte spécial, avec des mécanismes de contrôle visant à limiter les détournements et les affectations abusives.
Dans un contexte congolais où la méfiance envers la gestion publique est forte, cette discipline financière a fait toute la différence.
Une leçon de gouvernance locale
L’expérience du Nord-Kivu démontre une vérité souvent ignorée : le problème n’est pas toujours l’absence d’argent, mais la manière de le collecter et de le gérer. Avec une fiscalité ciblée, acceptée parce que visible dans ses résultats, la province a pu maintenir un réseau routier fonctionnel pendant plus d’une décennie, malgré l’insécurité et les contraintes économiques.
Cette approche a également renforcé la redevabilité des autorités provinciales. Quand une taxe est clairement affectée à un usage précis, les citoyens deviennent plus attentifs, plus exigeants, et parfois même plus disposés à contribuer.
Pourquoi ce modèle reste marginal ?
Le cas du Nord-Kivu montre pourtant qu’une autre voie est possible : une fiscalité utile, compréhensible et directement liée à un service rendu.
Fiscalité et confiance publique
Cette expérience souligne un point fondamental : les citoyens acceptent plus facilement de payer lorsqu’ils voient le résultat concret de leur contribution. Une route entretenue, un pont praticable, un axe économique désenclavé valent souvent mieux que de longs discours sur le patriotisme fiscal.
À l’inverse, lorsque les taxes se multiplient sans impact visible, elles deviennent synonymes de prédation plutôt que de développement.
Une piste pour l’avenir
À l’heure où la RDC cherche des solutions durables pour financer ses infrastructures, l’exemple du Nord-Kivu mérite d’être étudié, adapté et, pourquoi pas, reproduit. Il rappelle que la décentralisation n’a de sens que si elle s’accompagne de mécanismes clairs de mobilisation et de gestion des ressources locales.
Douze ans de routes financées par une taxe sur le carburant : ce n’est pas un miracle. C’est le résultat d’un choix politique, d’une vision de gouvernance et d’un minimum de rigueur. Autant de leçons dont le pays a encore cruellement besoin.
