Kinshasa, capitale de la vie chère : réalité économique ou scandale organisé ?


À Kinshasa, la valse des prix n’est plus une surprise : elle est devenue le quotidien d’un peuple pris au piège d’un système économique dysfonctionnel. Du jus importé à 64.500 FC à la botte de pondu qui atteint 40.000 FC, en passant par le sac de ciment vendu deux fois plus cher qu’à Kolwezi, tout concourt à une même conclusion : vivre à Kinshasa relève d’un exploit.

Ceux qui s’indignent du prix exorbitant d’une bouteille de jus importé oublient parfois l’arithmétique : coût d’achat en Europe, fret aérien, douane, taxes, loyers commerciaux, salaires, TVA et marge bénéficiaire. Additionnez le tout, et le chiffre devient « logiquement scandaleux ». La question n’est donc pas tant pourquoi c’est si cher, mais pourquoi faut-il encore importer ce que le pays pourrait produire ?

La réponse est brutale : 60 ans d’industrialisation ratée. Des décennies de dépendance aux importations ont transformé Kinshasa en marché captif où tout se vend à n’importe quel prix, faute d’alternatives locales. Pendant que le consommateur ploie sous des factures de restaurant à 65 dollars pour un plat ordinaire, les supermarchés deviennent des vitrines réservées à une élite.

Mais l’injustice est encore plus criante lorsque l’on constate que des produits fabriqués au Congo – comme le ciment issu des usines de Kimpese et Lukala – se vendent à Kinshasa à un tarif plus élevé que dans des provinces éloignées. Ici, ce n’est plus la logique économique qui s’impose, mais l’opacité d’un système organisé pour enrichir quelques-uns au détriment de la majorité.

La conclusion est simple : la vie chère à Kinshasa n’est pas une fatalité, c’est une construction. Tant que le pays ne produira pas localement ses jus, ses biens de consommation, ses matériaux de construction, les Kinois resteront prisonniers de prix artificiellement gonflés.

L’heure n’est plus à se lamenter mais à exiger des politiques industrielles claires, à boycotter quand il le faut, et surtout à investir dans la production locale. L’exemple de petites initiatives comme la mise sur le marché de jus naturels 100 % locaux démontre qu’une alternative est possible.

Le peuple congolais mérite mieux que d’être un consommateur éternellement piégé. Kinshasa ne peut pas rester la capitale de la survie improvisée ; elle doit devenir celle de la production et de la prospérité partagée.