La vie des vendeuses et vendeurs du marché de Virunga à Goma : entre survie, besoins et incertitudes économiques

Au cœur de Goma, le marché de Virunga pulse comme un poumon vital. C’est là que se croisent chaque jour des centaines de vendeuses et vendeurs, porteurs d’un savoir-faire et d’une résilience admirables, mais aussi de fragilités qui méritent d’être mises en lumière.

Un quotidien marqué par la précarité

Derrière chaque étal de légumes, de poissons fumés, de pagnes ou de téléphones d’occasion se cache une histoire de lutte. Les femmes majoritaires partent souvent dès l’aube, transportant leurs marchandises sur la tête, parfois avec un bébé attaché dans le dos. Les hommes, eux, s’improvisent grossistes, transporteurs ou revendeurs, jonglant entre plusieurs activités pour arrondir leurs fins de mois.
Pour beaucoup, ce commerce n’est pas un choix mais une nécessité, faute d’emplois stables et rémunérateurs.

Les besoins réels des commerçants

Trois besoins majeurs reviennent dans leurs témoignages :

  1. La sécurité : l’instabilité chronique dans la région affecte l’approvisionnement, la confiance des clients et même la présence des vendeurs sur place.
  2. Le crédit et le financement : l’absence de capital bloque l’expansion. Une vendeuse de tomates doit parfois se contenter d’un petit panier acheté à crédit, qu’elle revend pour un bénéfice marginal.
  3. L’infrastructure et l’organisation : manque d’abris contre la pluie, absence de sanitaires, étalages non sécurisés et insalubrité. Ces conditions dégradent la qualité des produits et fragilisent la clientèle.

Une demande instable et un consommateur fragilisé

La demande au marché Virunga fluctue avec le pouvoir d’achat des ménages. La majorité des clients vit au jour le jour : ils achètent de petites quantités un gobelet de riz, deux tomates, une poignée de farine.
Depuis janvier 2025, les vendeurs constatent une baisse de la demande en produits non essentiels (habillement, ustensiles, gadgets), pendant que la priorité s’oriente vers les denrées de première nécessité.

Variation des prix depuis janvier

L’analyse des prix révèle une tendance haussière, reflet de l’inflation et des coûts logistiques :

  • Maïs et farine de manioc : hausse de 25 à 35 %, due aux ruptures d’approvisionnement liées aux routes impraticables.

  • Tomates et légumes : prix multipliés par deux en période de rareté (mars-avril), puis légère stabilisation grâce aux récoltes locales.

  • Poisson fumé : flambée de 40 %, conséquence de la hausse du transport depuis les zones de pêche.

  • Articles importés (riz, sucre, huile) : variation constante, tirée par le taux de change instable du franc congolais face au dollar.


Analyse critique

Le marché de Virunga illustre à la fois la vitalité et les contradictions de l’économie locale. C’est un espace où l’informel nourrit des milliers de familles, mais où la précarité structurelle limite tout développement durable. Les autorités locales peinent à mettre en place une véritable politique de soutien : crédits adaptés, modernisation des infrastructures, formation des commerçants.
En attendant, vendeuses et vendeurs continuent de résister, portés par une énergie de survie, mais souvent au détriment de leur dignité et de leur santé.

Conclusion

Le marché de Virunga n’est pas qu’un lieu d’échange : il est le miroir de Goma et de ses contradictions. Tant que les besoins fondamentaux des commerçants ne seront pas pris en compte, les variations de prix continueront d’exposer les ménages à une vie chère insoutenable. Soutenir ces acteurs, c’est investir dans la stabilité économique et sociale de toute la ville.