RDC et satellite : une ambition à 400 millions de dollars, entre promesse et vigilance


Kinshasa s’est encore une fois placée au cœur de l’actualité technologique africaine. Ce samedi, le président Félix Tshisekedi a reçu Jean-Philippe Anvam, représentant de Monacosat, venu présenter l’état d’avancement du projet d’acquisition par la RDC d’un satellite national. Un projet colossal, évalué à 400 millions USD, censé réduire la fracture numérique, améliorer la cybersécurité, développer l’e-learning, la télémédecine et accélérer l’économie digitale.

Une vision nécessaire pour la RDC

Dans un pays-continent comme la RDC, où près de 70 % du territoire reste sans couverture internet fiable, la mise en orbite d’un satellite pourrait être un véritable levier d’inclusion. Les zones rurales, éternellement oubliées par les câbles à fibre optique, trouveraient enfin une passerelle vers le monde numérique. Sur le papier, le projet est visionnaire et s’aligne avec le plan national du numérique Horizon 2025, qui vise à rattraper des décennies de retard.

Les promesses face aux réalités

Mais au-delà du discours technologique, plusieurs questions méritent d’être posées :

  • Coût et priorités : dans un pays où les besoins en infrastructures de base (routes, électricité, eau potable) demeurent criants, comment justifier un investissement de 400 millions USD dans un satellite ? La fracture numérique peut-elle être comblée sans d’abord résoudre la fracture énergétique et éducative ?
  • Gouvernance et transparence : les Congolais se souviennent des multiples projets de fibre optique ou de backbone national, restés inachevés ou engloutis dans les labyrinthes de la mauvaise gouvernance. Quelles garanties existe-t-il pour que ce projet ne devienne pas un gouffre financier supplémentaire ?
  • Concurrence des acteurs privés : au moment où Starlink de SpaceX déploie déjà ses services en RDC, comment Monacosat et l’État congolais comptent-ils positionner un satellite national ? Complémentarité ou doublon coûteux ?
  • Durabilité : un satellite a une durée de vie limitée (souvent 15 ans). Quelle stratégie existe-t-il pour l’entretien, le remplacement, et surtout l’exploitation commerciale au bénéfice non seulement de l’État, mais aussi des populations ?

Une opportunité géostratégique

Cela dit, l’idée que la RDC devienne fournisseur de capacités satellitaires pour ses voisins est une piste stratégique intéressante. Avec sa position au cœur de l’Afrique, le pays pourrait transformer ce projet en instrument de puissance régionale et de diversification économique, si tant est que la gestion soit rigoureuse et tournée vers l’intérêt collectif.

L’heure des choix courageux

Le satellite congolais est donc plus qu’un projet technologique. Il symbolise une volonté politique de moderniser le pays, mais il met aussi à l’épreuve la crédibilité du gouvernement. La fracture numérique ne se réduit pas seulement avec des satellites et des accords internationaux, mais aussi avec des politiques locales d’éducation numérique, de régulation transparente et d’accès abordable pour les citoyens.

En définitive, la question n’est pas seulement de savoir si la RDC peut avoir son satellite, mais plutôt si ce satellite sera réellement celui des Congolais, ou un simple trophée technologique suspendu dans le ciel, loin des réalités quotidiennes de la population.