Goma : l’insalubrité, symptôme d’un désordre urbain plus profond

Depuis plusieurs semaines, les tas d’ordures s’amoncellent à nouveau le long des grandes artères de Goma. Les rues naguère dégagées reprennent leur triste visage d’avant, celui d’une ville où la gestion des déchets redevient un casse-tête chronique. Ce retour de l’insalubrité entrave désormais les travaux communautaires hebdomadaires, ces fameux Salongo du samedi, longtemps considérés comme l’un des rares gestes collectifs d’entretien urbain encore vivants.

Pourtant, depuis la prise de la ville par le mouvement M23 il y a près de dix mois, un système de collecte et d’évacuation des ordures avait été maintenu par les services d’assainissement, et ce, malgré la suspension de la taxe correspondante. L’effort, salué par certains, tenait jusqu’ici grâce aux amendes infligées aux contrevenants. Mais aujourd’hui, la machine s’enraye : insuffisance de moyens, baisse du civisme, relâchement administratif ? Difficile de pointer un seul responsable, tant le problème s’inscrit dans une logique plus large d’improvisation institutionnelle.

Ce qui est en jeu dépasse la simple propreté des rues. L’état d’un espace public révèle toujours quelque chose de l’ordre moral et civique d’une société. À Goma, les ordures qui jonchent les carrefours ne traduisent pas seulement une défaillance des services d’assainissement, mais aussi une forme de désenchantement collectif. Quand les citoyens cessent d’y croire, le geste communautaire perd de sa force symbolique.

Face à cette situation, de nombreuses voix s’élèvent pour demander aux autorités de fait du Nord-Kivu de prendre des mesures structurelles : rétablir un financement stable du service d’assainissement, renforcer la sensibilisation communautaire, et surtout, instaurer une véritable politique urbaine de gestion des déchets. Car un service public ne peut durablement reposer sur la peur de l’amende ni sur la bonne volonté ponctuelle de quelques agents.

L’hygiène publique, rappelons-le, n’est pas un luxe. C’est une exigence vitale, un droit fondamental lié à la santé et à la dignité. Goma, ville en pleine mutation, ne peut aspirer à la modernité tout en se noyant dans ses propres déchets. Il est temps de refonder la gouvernance urbaine sur des bases solides, où chaque acteur autorité, citoyen, entreprise assume sa part de responsabilité.

Parce qu’une ville propre ne se décrète pas : elle se construit, jour après jour, dans la cohérence et la constance.

Rédaction du Journal OWANDJI