Universités congolaises, entre revendications légitimes et crise de crédibilité
Ces derniers jours, les professeurs d’université en République démocratique du Congo se sont fait entendre à travers des sit-in et des déclarations publiques. À Kisangani comme à Kinshasa, ils dénoncent la marginalisation, le mépris et surtout la non-prise en compte de leurs droits par les autorités. Leurs revendications portent notamment sur l’amélioration des rémunérations et des conditions de travail.
Ces doléances, légitimes sur le fond, posent néanmoins une question plus dérangeante : quelle est aujourd’hui la valeur réelle du corps professoral congolais ?
Une crise ancienne et profonde
Loin d’être un phénomène nouveau, la médiocrité de l’enseignement supérieur congolais est un constat ancien. Déjà au début des années 2000, des étudiants de l’Université de Kinshasa (UNIKIN) dénonçaient l’absentéisme chronique de certains professeurs devenus ministres, députés ou gestionnaires de sociétés publiques. Ces derniers déléguaient leurs charges à des assistants, souvent recrutés sur base de clientélisme ou de relations familiales, et rarement sur des critères de compétence académique.
Un déficit scientifique alarmant
Le plus inquiétant reste l’absence de production scientifique de qualité. Très peu de professeurs congolais publient dans des revues internationales reconnues. Certains n’ont plus rien produit depuis vingt ans, se contentant de circuler leurs écrits dans des revues locales, dirigées par des collègues ou des anciens étudiants. Dans ce contexte, comment crédibiliser la recherche universitaire congolaise sur la scène internationale ?
Une réévaluation nécessaire
Avant de parler uniquement de salaires et de primes, il est urgent d’engager une réforme de fond :
- Réévaluer les compétences et la productivité scientifique du corps professoral.
- Mettre à la retraite honorable ceux dont l’apport est devenu marginal.
- Lancer un vaste programme de remise à niveau, en intégrant la formation continue et l’exigence de publications académiques.
- Revaloriser la méritocratie dans les recrutements, afin de sortir de la logique du népotisme et du copinage.
L’impact sur les étudiants et le pays
La médiocrité du corps professoral entraîne logiquement la médiocrité des diplômés. Depuis trois décennies, la qualité des étudiants sortant de nos universités s’est effondrée. Cela a un effet direct sur le marché du travail, sur la recherche nationale et, in fine, sur la crédibilité du pays.
Conclusion
Les revendications des professeurs d’université doivent être entendues par le gouvernement. Mais, dans le même souffle, le corps professoral doit aussi accepter un examen de conscience et une réforme en profondeur. La dignité d’un professeur ne se mesure pas uniquement à son salaire, mais aussi à la qualité de son apport scientifique et pédagogique.
La RDC a besoin d’universités qui produisent du savoir, pas seulement des titres. Le courage politique, mais aussi académique, consiste aujourd’hui à dire cette vérité qui dérange.